« Chers amis,

Je suis très heureux de vous retrouver pour notre traditionnelle cérémonie des vœux, si nombreux ce soir que nos locaux semblent quelque peu exigus.

Je voudrais tout d’abord saluer les 10 nouveaux adhérents qui nous rejoignent cette année, leur engagement, et celui de tous, est précieux face aux défis que notre métier aura à relever en 2025, solidairement avec tous les acteurs de la chaîne du livre.

L’année qui vient de s’achever a eu plus que sa part d’imprévus avec une instabilité politique d’un autre siècle. Elle aura fortement contrarié l’avancement de certains de nos dossiers, malgré la remarquable stabilité du ministère de la Culture dont je tiens à saluer les représentants ici présents. L’inscription dans la loi de l’accord que nous avons signé avec les organisations d’auteurs, il y a maintenant deux ans, enrichi de nos discussions de 2023, ou encore notre projet de contribution sur le livre d’occasion n’ont pu avancer comme nous l’attendions.

Et, nous sommes inquiets en ce qui concerne l’Education Nationale dont la ligne depuis plusieurs années est pour le moins erratique. Cette inconstance est mauvaise pour l’édition scolaire et mauvaise pour l’apprentissage de la lecture.

En revanche, chers amis, plusieurs de nos projets stratégiques ont connu en 2024 des avancées décisives.

En premier lieu Filéas, pour « fils d’information libraires, éditeurs, auteurs » Nous avons tenu ici même l’assemblée générale constitutive le 20 décembre dernier. Après 7 ans de réflexion (!) et grâce la détermination inébranlable des porteurs du projet, (je tiens à saluer en particulier l’engagement d’Alban Cerisier qui a accepté d’en prendre la présidence et d’Harriet Seegmuller qui en dirigera l’activité), Filéas livrera dès le printemps prochain des chiffres de ventes à l’ensemble des auteurs et des éditeurs. Son développement sera progressif avec dans un premier temps des données hebdomadaires fournies par GFK-Nielsen, complétées d’ici la fin de l’année par des indicateurs de ventes quotidiens grâce aux données que nos partenaires libraires ont accepté de mettre à la disposition de Filéas.

Merci en particulier au Syndicat de la librairie française (Guillaume Husson) ainsi qu’à la Sofia (Geoffroy Pelletier) pour son concours, au ministère de la Culture et au CNL pour leur soutien.

La création d’une telle société d’intérêt interprofessionnel qui regroupe ainsi tous les acteurs de la filière du livre est simplement sans précédent, ni en France ni ailleurs. C’est un signal fort de solidarité pour répondre, à la fois, aux enjeux de transparence dans l’information des auteurs sur l’exploitation de leurs ouvrages, et également en matière d’efficacité économique et environnementale de l’édition.

Sur ce sujet, l’année écoulée a été mise à profit pour élaborer notre plan de transition écologique dont j’ai le plaisir de vous annoncer le lancement sous le vocable Chapitres responsables pour une édition durable.

Conçu et porté par notre commission Environnement & Fabrication (merci à Pascal Lenoir et Gaëtan Ruffault), ils ont su convaincre le programme Alternatives vertes de France 2030 (Merci Fabrice Casadebaig) et portera sur trois volets complémentaires :

• une analyse de cycle de vie du livre, inédite dans sa complétude,
• des outils de formation et sensibilisation de tous les professionnels de l’édition aux enjeux environnement,
• et enfin une plateforme permettant aux éditeurs de toute taille de mesurer l’empreinte carbone de leur production.

Ces instruments seront décisifs dans le suivi de la trajectoire environnementale de notre secteur.

Il y a un an, ici même, nous prenions l’engagement de publier notre étude économique sur la formation des marges dans l’édition et le partage de la valeur. Cette étude sortie en février dernier fait désormais référence. Elle trouvera bientôt des compléments précieux avec les études engagées par le ministère de la culture pour l’aval de la chaine du livre (diffusion et distribution) et également la structure des droits d’auteurs sur un échantillon de titres.

« Les livres neufs sont impertinents, les feuilles ne se laissent pas tourner sagement, elles résistent et il faut appuyer pour qu’elles restent à plat. Les livres d’occasion ont le dos détendu, les pages, une fois lues, passent sans se soulever. »

Le plaisir sympathique d’Erri de Luca à feuilleter un livre d’occasion risque de se transformer en frayeur pour l’édition et les auteurs. L’offensive mercantile de plusieurs plateformes numériques internationales transforme peu à peu le livre d’occasion en un véritable business de masse. Il faut le dire et l’étude de la Sofia l’a démontré : la croissance fulgurante du marché du livre d’occasion est une menace pour l’ensemble du secteur. L’absence pure et simple de rémunération ou de compensation des auteurs et des éditeurs sur la vente d’ouvrages de seconde main fait peser une menace réelle sur la chaîne de la création. 

Permettez-moi d’émettre un vœu : qu’en 2025, les auteurs, les éditeurs et les pouvoirs publics travaillent ensemble à un mécanisme permettant une juste rémunération sur les ventes de livres d’occasion.

Un autre chantier majeur nous attend, le développement de l’intelligence artificielle. À la veille du Sommet mondial de l’IA qu’accueillera la France les 10 et 11 février prochains, le Syndicat national de l’édition participe à la réflexion sur le cadre à adopter avec la communauté des Industries Culturelles et Créatives.

Nous souhaitons rappeler que nous récusons totalement l’opposition simpliste entre culture et innovation dans laquelle certains voudraient nous enfermer : cette caricature d’une culture fossile qui mènerait des combats d’arrière-garde contre une innovation émancipatrice.

Nous avons toujours été résolument favorables à l’émergence d’une IA éthique, dans un cadre garantissant à tous les acteurs une sécurité juridique dans le respect des droits fondamentaux. Rappelons en quelques mots les principes intangibles : une reconnaissance du droit d’auteur, une transparence effective sur les contenus utilisés et des autorisations négociées avec les titulaires des droits.

Sans cela, le risque est grand de voir la chaine de la création gravement fragilisée. Nous savons tous que les enjeux dépassent très largement les dimensions économiques et sectorielles.

Deux missions du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) ont rendu leurs premières conclusions en décembre. Il faut maintenant qu’une charte soit rapidement instaurée pour reconnaître, par de grands principes, un encadrement salutaire de l’IA.

Autre chantier ouvert pour 2025, la commission de médiation entre auteurs et éditeurs devrait voir le jour au 1e semestre. Elle œuvrera au règlement des litiges entre auteurs et éditeurs sur l’application du contrat d’édition et c’est l’un des outils du dispositif qui vise à encourager les bonnes pratiques en matière d’application du contrat d’édition.

D’autres sujets nous occuperont comme la mise en place en juin 2025 de la directive accessibilité dans toute l’Europe. L’édition de livres numériques nativement accessibles est une nécessité pour toucher tous les publics. C’est dans cet esprit que nous avons noué un dialogue fructueux avec l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel et du numérique, afin d’éviter de faire peser sur les seules épaules des éditeurs, et plus particulièrement sur ceux de bande dessinée, d’illustrés, ou encore d’ouvrages scolaires, une charge disproportionnée.

La lecture pour tous est évidemment au cœur de nos missions, et nous encouragerons cette année encore toutes les initiatives qui permettent aux lecteurs de rencontrer le livre. « La lecture est un voyage sans fin, un dialogue intérieur où l’on découvre des horizons insoupçonnés. » écrivait le poète marocain Ahmed Sefrioui.

Cette invitation au voyage, le Festival du Livre de Paris nous la proposera sous la nef d’un Grand Palais étincelant qui résonne encore des éclats joyeux de Paris 2024. J’ai le plaisir de vous annoncer que notre invité d’honneur sera le Maroc. Autre temps fort du Festival : l’année de la mer, avec une programmation spéciale. Dans un esprit de pluridisciplinarité, la création sous toutes ses formes, de l’écrit à ses adaptations sonores, théâtrales ou audiovisuelles sera proposée au public. 450 maisons d’édition, cent de plus qu’en 2024, mettront en avant leur nouveautés, l’offre sera renouvelée en matière de jeunesse, BD, manga, mais aussi de petites maisons d’éditions.

Nous soulignerons aussi, chaque fois que nécessaire, l’importance que nous attachons au maintien du dispositif vertueux du pass Culture, qui a fait ses preuves, et vient soutenir la lecture des adolescents, que l’on sait parfois fragile.

J’en viens maintenant à un premier bilan des ventes de livres en 2024 : si l’on peut saluer la croissance des cessions de droits à l’étranger, l’année a été plus difficile en France. Selon les premières estimations, le chiffre d’affaires de l’édition a été stable en valeur mais a marqué un recul de 3% en volume. Une tendance déjà observée en 2023 mais qui s’accentue. Evidemment, il y a des exceptions et de beaux succès, en littérature notamment.

Alors que nous commémorons le 10^ème anniversaire des attentats de 2015, notre syndicat restera vigilant, cette année encore, au respect de la liberté d’expression et de publication, nécessité trop souvent bafouée dans le monde, comme nous l’avons encore tristement constaté avec l’arrestation de Boualem Sansal en novembre dernier.

Il y a 1 600 ans écrivait un autre algérien : « Les temps sont mauvais ? Soyons bons, et les temps seront bons, car nous sommes le temps », Augustin d’Hippone.

Au nom du Bureau, et de l’équipe permanente du Syndicat dont je salue le travail exemplaire,  je vous souhaite à présent une très bonne année 2025, et vous aurez sûrement remarqué la nouvelle identité visuelle du syndicat que nous dévoilons aujourd’hui ! »