Syndicat national de l'édition

  • Mot du Président

Discours de Vincent Montagne à l’occasion de la cérémonie des vœux du SNE du 11 janvier 2018

Chère Vera, cher Denis,

Chers confrères, chers partenaires,

Chers amis,

Merci à tous d’être venus si nombreux célébrer la nouvelle année, à l’occasion des vœux du Syndicat national de l’édition, du Bureau International de l’édition française et du Cercle de la Librairie. Comme toujours, c’est une joie pour moi de vous accueillir au SNE.

Nos métiers sont de beaux métiers, d’art, d’esprit, de liberté. Parfois, ce sont les moments de deuil qui nous en font prendre une vive conscience. Chacun de nous aura été touché, il y a quelques semaines, par l’hommage de la France entière à Jean d’Ormesson, symbole de l’élégance intellectuelle d’un pays et aussi aboutissement d’une puissante alchimie : celle qui lie tout auteur à son éditeur, l’aide à se révéler et lui fait rencontrer son lecteur, son public, sans qui rien ne peut exister.

En ce début d’année, nous sommes tristes de perdre deux très belles figures de l’édition française : Bernard de Fallois et Paul Otchakovsky Laurens.

Bernard de Fallois, c’est quasiment un siècle de publications brillantes et profondes, depuis les inédits de Marcel Proust jusqu’à, encore récemment en 2011, Joël Dicker…

Et Paul, fondateur des éditions P.O.L au dernier quart du XXe siècle et ancien président du groupe Littérature du SNE, exceptionnel découvreur de talents, original et éclectique avec qui les liens d’amitié étaient si forts.

Dans un récent entretien qu’il avait accordé au quotidien Le Monde, notre ami Paul, avec humour, disait espérer que la littérature soit éternelle.

Plus que jamais, dans un monde qu’envahit la technique sans âme, mais aussi l’intolérance et la brutalité, nous sommes persuadés de la valeur infiniment précieuse de la littérature, de la liberté d’expression et de création, et, par le livre, du rayonnement de l’intelligence.

N’oublions pas ! Nous avons la chance en France, en Europe, de pouvoir publier quasiment sans contrainte, sans risquer pour nos vies, en tout cas.

Cela nous oblige. D’abord en poursuivant nos actions pour garantir ce pluralisme d’expression cher à nos pays. Pluralisme d’expression qui représente aussi un espoir pour tant d’autres.  

Tout comme 2016 l’avait été, 2017 fut une année très dense pour l’édition et le Syndicat national de l’édition.

Une année en demi-teinte sur le plan économique, même si à ce stade les chiffres ne sont pas encore connus.

Les premières tendances témoignent d’une année plus tendue que 2016. La très longue campagne électorale qui a occupé tout le premier semestre 2017, n’a pas favorisé les ventes en librairies.

Toutefois, du fait de la poursuite de la réforme des programmes scolaires au collège, de la sortie de quelques titres phares et du dynamisme de la production éditoriale de la rentrée littéraire, la baisse de l’année 2017 devrait être probablement assez légère (de l’ordre de -1 à -2% en valeur et en volume selon les premiers chiffres annuels de GfK).

Mais les chiffres de l’édition ne sont certainement pas le seul indicateur à prendre en compte pour mesurer la vitalité, le dynamisme de notre secteur.

La croissance, cette année encore, du nombre d’adhésions au Syndicat illustre sans aucun doute la richesse de l’actualité professionnelle et l’importance des enjeux auxquels nous devons faire face.

Grâce à vos actions et votre engagement au sein des groupes et commissions, la voix de l’édition se fait entendre.

Grâce à nos actions à tous, à notre engagement au service des intérêts du livre et de la lecture, associés à tous les acteurs de l’interprofession, la voix du livre est davantage entendue.

Tous ensemble, nous avons mené en 2017 des actions fortes et visibles pour promouvoir le livre, sous toutes ses formes auprès des professionnels comme du grand public.

En témoignent les opérations telles que J’aime le livre d’art, menée par le groupe des éditeurs de livre d’art et de beaux livres, Les 24 heures des Sciences organisées par le groupe des éditeurs de Sciences pour tous, le prix vendredi, créé cette année par les éditeurs du groupe Jeunesse. Mais aussi des Rencontres en région pour promouvoir le livre Jeunesse ou la BD, la publication et la médiatisation d’études sur la BD et le Livre audio.

En témoignent aussi Les petits champions de la lecture qui cette année encore ont rencontré un vif succès et accueilli plus de 32 000 participants en France métropolitaine et d’Outre-mer, ou Le salon Livre Paris, qui avec une équipe et des ambitions renouvelées, a connu une augmentation de sa fréquentation l’an dernier et une forte présence du jeune public.

En témoignent encore notre participation active à des manifestations, partout en France, telles que « la nuit de la lecture », ou « Partir en Livre, organisées par le ministère de la Culture et le CNL, dont je salue aujourd’hui les représentants.

Et bien sûr à l’international, en œuvrant aux côtés de l’Institut français à la réussite de la France à Francfort, inaugurée par le Président de la République et la Chancelière allemande.

Ensemble également, nos efforts ont porté sur des actions destinées à mieux faire connaître nos métiers, en comprendre les enjeux et les évolutions.

Quelques exemples : la publication de la cartographie des métiers de l’édition et de fiches métiers, l’organisation par la commission sociale du SNE du premier forum des métiers, dans le cadre de Livre Paris, la création des premières assises du livre Jeunesse, l’organisation des assises du livre numérique, consacrées à l’intelligence artificielle, mais aussi la publication d’une étude sur la consommation de papier …

Autant d’actions pour mieux faire connaître nos réalités, aider à mieux comprendre ce que nous sommes et réfléchir à notre avenir commun.

Réfléchir à notre avenir commun, adapter les outils de la chaîne du livre, c’est aussi le travail qu’a mené tout au long de l’année 2017 la commission fabrication avec le projet Clic Edit pour améliorer la relation, notamment avec les imprimeurs.

C’est ce qu’a fait la commission illustration du SNE en réformant le Code des usages en matière d’illustration photographique, signé le 28 novembre dernier.

C’est enfin ce que nous avons fait avec les auteurs, en signant en juin dernier des dispositions novatrices relatives au contrat d’édition à l’ère du numérique.

En parallèle bien sûr de toutes ces actions, nous avons continué à agir pour préserver les piliers qui structurent l’économie du livre :

La défense du droit d’auteur encore et toujours, à Paris, mais surtout à Bruxelles, avec nos amis de la Fédération européenne des éditeurs, et en particulier sa directrice Anne Bergman dont je salue la présence aujourd’hui.

La défense du prix unique du livre :  notamment en signant, aux côtés des libraires et des opérateurs de commerce de livres en ligne, la charte prix du livre, pour assurer le respect des dispositions relatives au prix unique du livre en encadrant les pratiques sur les sites de vente en ligne et les «places de marché» (marketplaces) qui leur sont associées. La signature de cette charte a permis a minima de réaffirmer la loi et de prendre date pour mettre fin, dans le temps, aux mauvaises pratiques.

Et enfin, la défense de la liberté d’expression et de publication, aux côtés également de l’Union Internationale des éditeurs, l’IPA, et de son secrétaire général José Borghino qui nous fait aussi le plaisir de sa présence aujourd’hui.

Toutes ces actions, tous ces combats, nous les menons au service et avec toute l’interprofession du livre. Et loin d’être terminés, nous continuerons à les porter avec détermination en 2018 et au-delà.

Les enjeux sont importants.

Car notre environnement ne cesse de changer. Tous ceux qui investissent dans la création, ceux qu’on nomme élégamment « les producteurs de contenu », se trouvent dans une situation fragile.

Aujourd’hui, certains tentent d’imposer subtilement leur modèle, la « désintermédiation », croyant placer ainsi le créateur directement face au public.

Le livre change lui aussi avec la transformation des usages. Aujourd’hui, le livre numérique homothétique ou le livre audio. Demain, le livre augmenté avec une convergence accélérée des contenus.

La pression économique extérieure qui pèse aussi sur l’Etat fait également évoluer notre métier sans tenir compte parfois des réalités. Preuve en est la récente attaque contre les directeurs de collection qui, par un changement unilatéral de doctrine de l’AGESSA, ont été soudainement exclus du régime de sécurité sociale des artistes auteurs.

Jusqu’au 31 décembre dernier nous étions extrêmement inquiets. Sans trop m’avancer aujourd’hui, je peux quand même vous dire que nous avons bon espoir de faire surseoir à toute décision qui serait fatale à nombre de maisons d’éditions. Et de trouver une solution pérenne, en lien avec les ministères des Affaires sociales et de la Culture.

Editeur, artisan d’avenir, illustre cette année notre carte de vœux, réalisée en partenariat avec l’école de design d’arts graphiques et de formation aux métiers d’arts : l’école de Condé-Paris dont je salue son directeur Lionel Hager qui nous fait le plaisir de sa présence. Je vous invite à parcourir la petite exposition que nous avons organisée dans nos salons aujourd’hui. Elle illustre la qualité du travail des élèves et de leurs enseignants.

Editeur, artisan d’avenir, un aphorisme qui résume assez bien ce que nous sommes : à la fois des artisans, héritiers d’une longue tradition qui nous oblige, mais aussi des entrepreneurs inscrits dans leur époque, toujours en situation de veille et d’écoute, face aux changements de notre temps.

Face à ces changements, face aux défis contemporains de la mutation numérique qui touchent toute l’économie, nous devons rester vigilants. Rester vigilant, cela veut dire refuser ce qui détruit l’essentiel de nos métiers. Mais il nous appartient également de nous adapter.

Nous adapter ensemble, nous acteurs d’une même chaîne, auteurs, éditeurs, libraires, distributeurs, imprimeurs, bibliothécaires…Pour permettre au plus grand nombre d’avoir accès au livre. Ici et ailleurs. Dans le respect et l’amélioration des performances économiques de chacun.

C’est l’un des enjeux du travail de refonte de nos outils interprofessionnels que nous allons mener avec Pierre Dutilleul, dès le début de cette année. En effet nous avons, avec Electre et Dilicom en particulier, des outils performants qui doivent permettre à l’ensemble des acteurs concernés de mieux connaître la vente réelle de nos livres. Au bénéfice de tous : des éditeurs bien sûr, mais aussi des libraires avec qui nous allons travailler sur ce projet. Des auteurs également qui pourront avoir ainsi accès à une information fiable. C’est un chantier prioritaire pour les deux années qui viennent.

Poursuivre et conforter un dialogue constructif avec tous nos partenaires et acteurs de la chaîne du Livre, c’est ce qui va guider l’ensemble de nos actions en 2018. Un dialogue avec une interprofession qui se renouvelle aussi, le nouveau Président du SLF, Xavier Moni, le nouveau directeur général du BIEF, Nicolas Roche, le nouveau directeur d’Electre, Michel Lanneau notamment. Que je salue tous les trois et à qui je souhaite la bienvenue.

Nous adapter ensemble ici en France. Mais aussi à l’échelle européenne.

Et faire en sorte que la modernisation de l’environnement législatif du livre et de la culture à l’heure du numérique participe d’une stratégie commune pour la culture et pour l’Europe, et non d’un simple enjeu du marché unique.

Car le destin du livre, pour être digne de notre héritage, ne peut se concevoir sans finalité culturelle. C’est un débat fondamental pour la France, pour l’Europe.

Aux dernières pages des Mémoires d’Outre-Tombe, Chateaubriand, amoureux du passé, n’hésitait pas à se tourner avec confiance vers l’avenir : « Je me suis rencontré entre deux siècles, comme au confluent de deux fleuves ; j’ai plongé dans leurs eaux troublées, m’éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant avec espérance vers une rive inconnue ». Les enjeux du XXIe siècle sont eux aussi passionnants, et les entrepreneurs que nous sommes sont plutôt enthousiastes sur les changements extraordinaires que nous vivons. Sur la permanence aussi de notre mission, héritière et garante d’un rapport au temps qui se veut sagesse, d’une forme d’insoumission à la dictature de l’immédiateté. C’est cette distance aussi qui fait la beauté des métiers du livre.

A tous, à titre personnel, et au nom des membres du bureau du SNE, de Pierre Dutilleul, notre Directeur général, que je remercie tout particulièrement, et avec toute l’équipe du SNE, je vous présente mes vœux les plus chaleureux.  

Je vous remercie.

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