L’Assemblée générale 2023 du Syndicat national de l’édition s’est tenue jeudi 29 juin 2023 à la Maison de l’Amérique Latine (Paris 7). 

« Mesdames et Messieurs les éditeurs,

chers consœurs et confrères,

Arrivés au terme de notre Assemblée Générale, il me revient à présent le plaisir de vous dire quelques mots de conclusion.

Je voudrais d’abord adresser mes plus vifs remerciements à tous les présidents de groupe et commission et plus largement tous ceux qui s’impliquent dans ces instances. Sous ma pression amicale et pour ne pas abuser de votre temps, les synthèses qui viennent de vous être présentées ne rendent compte que très succinctement de leurs travaux. Cet engagement et cette intelligence collective sont les moteurs de notre action. Merci à chacun pour son engagement bénévole et au service des enjeux de notre profession. Bien entendu, j’exprime ces remerciements au nom du Bureau à qui je veux dire toute ma gratitude pour porter en permanence les orientations du Syndicat. Il y a parfois des appréciations diverses devant la complexité des sujets, mais l’intérêt supérieur de l’édition est toujours premier.

Les chiffres-clés ont été cités largement tout à l’heure, après une année 2021 exceptionnelle à tous égards, l’activité de 2022 est en repli tant en termes de chiffre d’affaires que de nombre d’exemplaires. Certes, avec une baisse de 5%, nous demeurons de 3% au-delà du niveau de référence de 2019 mais ces résultats doivent s’interpréter comme un retour aux tendances de fond que nous connaissions avant la crise sanitaire.

Dans ce contexte exceptionnel, nous avons eu à faire face au renchérissement des coûts du papier et de l’énergie ainsi qu’au retour d’une inflation généralisée qui met sous tension l’ensemble de la chaîne du livre.

Cette conjoncture rend d’autant plus indispensable de bâtir des réponses collectives sur les grands enjeux de la profession.

Vous l’avez entendu au fil des présentations précédentes, nos discussions avec les auteurs nous ont largement mobilisé au cours des derniers mois et continuent de compter parmi nos toutes premières priorités. Après l’accord de décembre 2022 concentré sur cinq points, les discussions ont pu s’engager sur de nouvelles bases, ou plutôt avec une nouvelle méthode, et portent actuellement sur une série de sujets qui constituent parfois des points de friction dans l’application du contrat d’édition. Pour n’en citer que quelques-uns, il s’agit de la rémunération des auteurs sur les soldes, de l’assiette des droits en cas de cessions à des tiers ou encore de la progressivité des taux. Sur l’ensemble de ces points, il est de notre responsabilité d’assurer un dialogue constructif qui se poursuivra jusqu’à la fin de l’année.

Nous le constatons au fil de ces discussions, même si des points soulevés reflètent légitimement qu’une discussion s’instaure, certaines crispations de la part des auteurs reposent sur une vision incomplète de notre métier. C’est précisément un des enjeux de l’étude économique lancée à notre initiative et qui nous permettra de disposer avant la fin de l’été d’éléments chiffrés incontestables et objectifs pour rassurer les auteurs sur le partage de la valeur.

L’accélération du projet « Booktracking », ou « suivi des ventes de livres » s’inscrit également dans nos efforts pour établir des relations dépassionnées avec les auteurs. Un large consensus existe désormais sur la nécessité d’un outil interprofessionnel ouvrant à chacun l’accès aux données de ventes quotidiennes des titres dont il est l’auteur ou l’exploitant. Grâce à l’intense travail engagé, auquel participent activement auteurs, éditeurs, diffuseurs, distributeurs et libraires, nous disposerons dans les prochaines semaines d’un scénario technique, organisationnel et fonctionnel détaillé et chiffré. L’objectif d’une mise en service à l’horizon de notre prochaine assemblée générale est maintenant à notre portée. Ma première intervention en AG sur ce sujet était en 2018 ! Il faut être patient…

Au-delà du partage de la donnée de vente entre les acteurs de la filière, Booktracking doit permettre à chaque éditeur d’estimer au plus juste ses tirages en prévenant à la fois les ruptures et les sur-stocks. C’est donc un levier décisif dans l’amélioration de la performance économique et environnementale de la chaîne du livre.

Les questions environnementales, aujourd’hui omniprésentes dans le débat public constituent un des enjeux majeurs de notre profession pour la décennie à venir. Il sera extrêmement précieux de poursuivre les réflexions engagées au sein de la commission et du club Environnement du SNE autour de problématiques aussi essentielles que l’écoconception ou la mesure bilan du livre en termes d’écoresponsabilité.

Autre sujet dont nous avons à nous emparer collectivement, celui du livre d’occasion, parfois promu avec des arguments environnementaux éminemment discutables. Les chiffres présentés au dernier festival du livre sur le livre d’occasion sont de nature à interpeler : un livre sur cinq vendus en France aujourd’hui est un livre d’occasion, peut-être bien plus dans dix ans si les tendances s’accélèrent. Alors que ce marché s’organise au bénéfice exclusif de grandes plateformes, l’absence de toute rémunération des acteurs de la création appelle une réponse qui préserve les équilibres de notre filière.

Impossible de terminer ce tour d’horizon des enjeux du moment sans évoquer l’intelligence artificielle. Nous sommes mobilisés pour évaluer et anticiper les impacts mais aussi les apports de ces nouvelles technologies.

Reste un point non négociable, le respect du droit d’auteur. Il est de notre responsabilité de prendre les précautions nécessaires pour interdire que des contenus sous droit soient exploités à des fins d’entrainement de ces outils. La question peut paraître purement technique mais nous sommes tous concernés par l’exercice du droit d’opposition que nous confèrent, très imparfaitement, les textes actuellement en vigueur.

Je finirai mon propos par quelques tendances de fond qui sont aussi des notes d’optimisme.

Et ces tendances aiguisent en nous, comme le disait Gramsci, « le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté ».

Le succès du dernier Festival du livre de Paris, tant en termes de fréquentation de chiffre d’affaires réalisé sur ces trois jours, nous a offert le spectacle saisissant d’un public jeune et passionné. 42% de moins de 25 ans…

Une actualité encore plus récente avec l’étude du CNL sur les adaptations cinématographiques et audiovisuelles, réalisée avec la SCELF et le CNC, et dont les résultats ont été présentés lundi :

• 1 œuvre sur 5 sorties en audiovisuel ou au cinéma en France, est adaptée d’un livre, et ces adaptations audiovisuelles ont doublé en 5 ans ;
• 1/3 des entrées en salles sont générées par des adaptations de livres ;
• 2/3 des livres ont vu leurs ventes en France augmenter après la sortie de leur adaptation.

Par ailleurs, 1 français sur 5 est devenu un adepte du livre audio. Un marché qui devrait peser 15 milliards € au niveau mondial en 2027.

Voilà qui illustre à la fois la puissance du livre et le rôle central des éditeurs dans la création et le déploiement des œuvres sous l’ensemble des formats dans lesquels ils ont vocation à s’incarner.

Ces évolutions sont aujourd’hui très bien perçues par le CNL, la DGMIC et le Cabinet rue de Valois. Je voudrais saluer à cet égard les relations constructives et exigeantes que nous entretenons avec la Puissance publique.

Un dernier mot de remerciements pour l’équipe des permanents du SNE menée avec engagement par Renaud Lefebvre qui participe à sa première AG comme directeur général du Syndicat. Une occasion de remercier, puisqu’il s’agit de l’exercice 2022, Pierre Dutilleul, qui a œuvré à cette transition réussie.

Pour conclure, je voudrais souligner que si les nouveaux défis qui attendent demain l’édition sont nombreux et difficiles, nous savons par l’expérience récente de la maîtrise du numérique que nous sommes un collectif uni et déterminé.

Je vous souhaite une belle trêve estivale, avec de nombreuses lectures, et serai heureux de vous retrouver à la rentrée.«