- La parole à...
Interview de Gvantsa Jobava, nouvelle présidente de l’UIE
Portrait © Guram Muradov
Gvantsa Jobava a été récemment élue Présidente de l’Union internationale des éditeurs (UIE). Nous la remercions d’avoir répondu aux questions de l’équipe du Syndicat national de l’édition, ci-dessous.
En tant que Présidente de l’UIE nouvellement élue, comment voulez-vous mener votre mandat ?
Je serai présidente de l’UIE pour les deux prochaines années et, à bien des égards, je vais m’appuyer sur le travail de mes prédécesseures, deux autres présidentes de l’IPA – Karine Pansa et Bodour Al Qasimi. Nos piliers resteront la promotion du droit d’auteur et la protection de la liberté de publier. Je reviendrai plus tard sur la liberté de publier, mais en ce qui concerne le droit d’auteur, les discussions à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) nécessiteront une attention particulière. Le développement de l’intelligence artificielle générative reste un domaine où il est crucial de défendre la transparence de l’utilisation des œuvres pour l’entraînement ainsi que la nécessité de licences. Enfin, la piraterie reste un défi dans de nombreux marchés, et nous pouvons continuer à échanger nos bonnes pratiques à ce sujet. Bien sûr, le travail de l’UIE ne s’arrête pas à nos piliers. Nous continuerons également à soutenir nos membres sur des sujets comme l’accessibilité (notamment avec l’entrée en vigueur de la loi européenne sur l’accessibilité), la durabilité, la diversité et les données.
L’UIE permet de rassembler les éditeurs du monde entier ; comment envisagez-vous son évolution, son adaptation face aux défis à venir et aux opportunités ?
La force de l’UIE réside dans son réseau de membres, et nous sommes très heureux que le SNE soit un membre aussi engagé et actif. Nous comptons maintenant 105 membres dans 84 pays. Cela nous confère une légitimité lorsque nous intervenons auprès d’institutions comme l’OMPI, mais c’est également essentiel pour partager les expériences et comprendre les évolutions des différents marchés. L’évolution de l’UIE doit passer par un approfondissement de nos relations avec nos membres, en veillant à ce que même les membres disposant de ressources limitées bénéficient de l’association. Je viens moi-même d’une petite association (l’Association des éditeurs et libraires géorgiens), et je sais très bien à quel point l’UIE peut apporter un soutien précieux. Les défis que nous rencontrons sont tous interconnectés. Si l’on prend le droit d’auteur, les entreprises d’intelligence artificielle générative chercheront des pays offrant le cadre juridique le plus favorable pour leur entraînement. Nous pouvons sécuriser des lois solides dans les grands marchés, mais si des lois faibles subsistent ailleurs, nous sommes tous affaiblis. Cela a fait partie de la bataille autour de la nouvelle loi sur le droit d’auteur en Afrique du Sud.
Enfin, nous faisons face aux entreprises les plus grandes et les plus riches que le monde ait jamais connues. Nous ne pouvons pas rivaliser financièrement, mais notre force réside dans notre diversité. Lorsque nous rencontrons des décideurs politiques en Afrique, nous sommes accompagnés d’éditeurs africains, qui publient des manuels scolaires locaux et découvrent des auteurs locaux. Notre secteur ne peut pas offrir de centres de données, mais nous apportons l’éducation aux sociétés et la visibilité des différentes cultures.
L’UIE œuvre en défense de la liberté de publier ; quelles sont les actions mises en place, à l’image du Prix Voltaire remis récemment à Samir Mansour ?
La liberté de publier me tient particulièrement à cœur et représente un domaine vital où l’IPA peut fournir un soutien précieux. Les atteintes à la liberté de publier peuvent prendre de nombreuses formes. Honorer Samir Mansour, c’était aussi reconnaître comment la guerre peut affecter cette liberté – une situation que nous observons également en Ukraine. Ce que Samir Mansour continue de faire pour apporter des livres aux lecteurs locaux et publier des auteurs locaux est extraordinaire. Tous les anciens lauréats du Prix Voltaire ont pris des risques pour publier des livres. La liberté de publier s’accompagne de la liberté de lire et de la liberté d’expression – ce que nous appelons la trinité des libertés. Nous voyons de nombreux efforts pour contrôler ce que les gens lisent, en particulier les jeunes. Des États-Unis à la Hongrie en passant par la Turquie, nous constatons diverses initiatives, et l’UIE est prête à soutenir ses membres locaux en cas de besoin. Les attaques contre la liberté de publier concernent également l’édition éducative, où nous avons vu des tentatives de nationalisation dans des pays comme la Hongrie, le Mexique ou la République Dominicaine. L’UIE s’engage aussi sur ces cas. Nous avons également vu des situations où des éditeurs sont exclus des salons du livre, ce qui peut être particulièrement préjudiciable dans des pays où ces événements sont une source majeure de ventes. Nous avons soutenu Gallimard l’an dernier lorsqu’ils se sont vu refuser un stand à Alger, ainsi que notre lauréat du Prix Voltaire, Khaled Lotfy, lorsqu’il a été exclu du salon du livre du Caire. Nous sommes très heureux de voir Khaled de retour au salon cette année.
Quelle est votre vision du rôle des éditeurs dans votre pays, la Géorgie ?