Syndicat national de l'édition

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Tribune : « Le livre doit revenir à la télévision »

Les principaux éditeurs français signent une tribune collective dans « Le Monde » pour dire leur préoccupation face à la disparition des émissions littéraires à la télé. Pour remettre le livre à l’écran, les chaînes doivent faire preuve de volontarisme.

Il est loin, le temps où l’édition et la télévision vivaient leurs rapports sur le mode d’une irréductible concurrence. Maintenant que notre expérience des écrans s’est émancipée du règne exclusif du « poste dans le salon » et du signal hertzien, nos deux secteurs se trouvent engagés dans une même course au temps de cerveau disponible.

Cette situation nouvelle met en lumière des intérêts partagés : les bons programmes de télévision et les bons livres ont ceci de commun qu’ils requièrent une qualité et une continuité d’attention. Les chaînes gagneront en spectateurs pour leurs programmes culturels ceux qu’elles auront contribué à former en grands lecteurs. Gagnant, gagnant.

Nous devrions donc assister à la multiplication des émissions dédiées au livre. Or, c’est le contraire qui se produit. Les éditeurs de littérature générale déplorent que les livres aient perdu du terrain, singulièrement au sein des chaînes publiques, avec la déprogrammation de plusieurs émissions (Dans quelle étare, Livres & Vous, Entrée libre, Un livre, un jour…). L’édition en souffre, dès aujourd’hui la lecture, dès demain la création littéraire, dès après-demain l’audimat pour la création télévisuelle. Ni l’édition ni la télévision n’auraient à gagner à terme à un tel divorce.

Bien sûr, nous rétorque-t-on souvent, les auteurs contribuent grandement aux débats d’idées sur les plateaux des chaînes généralistes comme à la table des chaînes d’information continue. Mais cette exposition n’offre aux livres qu’une vitrine mal éclairée qui ne rend pas justice aux œuvres. Le système doit pouvoir s’équilibrer dans une plus juste mise en lumière des sources éditoriales du débat médiatique. Bien sûr, on nous objectera que Laurent Ruquier dans On n’est pas couché ou encore Anne-Élisabeth Lemoine dans C à vous donnent une place régulière à des écrivains avec un grand professionnalisme mais, à quelques rares exceptions, il s’agit d’auteurs déjà très confirmés.

Nous appelons donc à une politique volontariste particulièrement de la part des chaînes publiques pour que les livres retrouvent leur place dans les programmes, au-delà de ce beau rendez-vous fédérateur qu’est La Grande Librairie de François Busnel. Le président Macron en appelle justement à une société qui sache replacer l’auteur en son cœur ; commençons déjà par ne pas l’exclure de la vie des médias.

Car il ne faudrait pas déduire de ce que les « livres sont l’œuvre de la solitude et les enfants du silence » (Marcel Proust) qu’ils pourraient se passer sans dommage de notre accueil chaleureux ou critique. Si la France est le pays du livre, c’est que tout y concourt : l’organisation de notre filière (l’auteur, l’éditeur, le diffuseur, le distributeur, le libraire), certes, mais aussi les mille et un relais qu’elle trouve dans la société avec les bibliothèques, les salons et les festivals, les séances de dédicaces gratuites, les cycles de conférences et de lectures, les prix littéraires, le travail des collectivités territoriales et des services de l’État en région, les associations de terrain, les enseignants, les familles… et bien sûr la presse nationale et régionale, la radio et la télévision.

Il ne nous faut renoncer à rien ; mieux : il faut continuer à étendre ce puissant réseau, avec toutes nos énergies. Comme l’avait si bien vu l’écrivain et éditeur Jean Schlumberger, « le génie seul fait la gloire et il n’apparaît qu’à son heure. Mais il appartient à chacun de l’expliquer, de l’étayer, de l’entourer d’une atmosphère d’admiration et d’intelligence. »

« Une atmosphère d’admiration et d’intelligence », c’est ce que nous devons à nos livres, pour que leur apport à notre vie individuelle et sociale – à la conscience de ce que nous sommes, à notre liberté de jugement et d’action, à notre humanité – ne sombre pas dans un océan de conformisme, de ricanement ou d’incompréhension. L’indifférence est le plus grand péril. Et nous la sentons parfois proche, nous qui faisons le lien entre la création et le marché, entre les écrivains et leurs lecteurs. Certains succès qui ponctuent notre vie littéraire ne doivent pas masquer ce véritable risque. Les chaînes de télévision publique ne peuvent renoncer à leur part de responsabilité.

Nous engageons donc les directeurs des chaînes publiques, et aussi privées bien sûr, ainsi que tous les acteurs de la production télévisuelle, à retrouver le chemin des livres. Il y a urgence !

Les signataires de cette tribune sont :

Guillaume Allary, président d’Allary Editions
Anne Assous, directrice de Folio
Sofia Bengana, présidente de Place des éditeurs
Muriel Beyer, directrice des éditions de l’Observatoire – DGA groupe Humensis
Frédéric Boyer, directeur des éditions P.O.L
Cécile Boyer-Runge, présidente de Robert Laffont éditions
Jean-Paul Capitani, président du directoire des éditions Actes Sud
Manuel Carcassonne, directeur général des éditions Stock
Véronique Cardi, présidente des éditions Jean-Claude Lattès
Alban Cerisier, secrétaire général des éditions Gallimard
Sophie Charnavel, directrice déléguée des éditions Plon
Sophie de Closets, présidente directrice générale des éditions Fayard
Olivier Cohen, président-directeur général des éditions de l’Olivier
Pierre Dutilleul, directeur général du Syndicat national de l’édition
Béatrice Duval, directrice générale de la Librairie générale française
Olivier Frébourg, directeur des éditions des Equateurs
Antoine Gallimard, président-directeur général des éditions Gallimard
Gilles Haéri, président-directeur général des éditions Albin Michel
Viviane Hamy, directrice des éditions Viviane Hamy
Hugues Jallon, président des éditions du Seuil
Monique Labrune, directrice des Presses universitaires de France
Liana Levi, présidente des éditions Liana Levi
Betty Mialet, directrice des éditions Julliard
Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition
Olivier Nora, président directeur général des éditions Grasset
Françoise Nyssen, éditions Actes Sud, ancienne ministre de la Culture
Héloïse d’Ormesson, présidente des éditions Héloïse d’Ormesson
Anna Pavlowitch, présidente des éditions Flammarion
Philippe Rey, directeur des éditions Philippe Rey
Philippe Robinet, directeur général Calmann-Lévy et Kero
François Verdoux, président de Sonatine éditions
Benoît Yvert, directeur général des éditions Perrin

 

Cette tribune a été publiée le 13 novembre 2019 dans Le Monde.

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